Troisième faute : le cadre de gestion est mauvais… mais on le garde de peur que « tout » s’écroule

 

Résumé

Tout bouge « dans le cadre » … et rien ne change ! c’est le système de gestion qu’il faut changer … en attendant, on réglemente !

Le « Règlement » et le contrôle financier sont devenus la plus « efficiente » des causes d’inefficacité de la coopération : le respect des procédures compte plus que les résultats… et on néglige de réformer .

La situation confine au blocage : ces avatars de gestion retardent l’action, bloquent les dynamiques et font sombrer le taux d’efficacité des projets dont la plongée s’accélère depuis une dizaine d’années.

Les fonctionnaires sont découragés et beaucoup exaspérés : il y en a de toutes sortes, des bons et des mauvais mais le Règlement les paralyse tous ! …. et leurs chefs ont peur d’y toucher…

Le fonctionnaire et le consultant, un couple obligé à l’allure parfois incertaine… les consultants dérangent lorsqu’ils « sortent du cadre » …

L’abus du « cadre logique » : un outil qui pourrait être utile … au même titre que le contrôle financier, s’ils étaient utilisés pour ce qu’ils sont et non pour se cacher !

 

Qu’importe tout cela ! il ne s’agit après tout, que de quelques milliards d’euro chaque année, de l’espérance de centaines de millions d’hommes et de la crédibilité de la politique étrangère de l’Union à l’égard des trois quarts des pays du monde !

Texte complet

Tout bouge « dans le cadre »…. et rien ne change 

 

L’histoire de la coopération à la Commission, commence avec les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique dits ACP, alors qu’ils étaient encore liés aux Etats membres au moment de l’entrée de ces derniers dans les Communautés. La coopération en traîne toujours les séquelles dérivées du complexe colonial et de la bien-pensance humanitariste auxquels se mêlent paradoxalement, un certain paternalisme et beaucoup d’assistanat . Ce coquetèle psycho-comportemental rassure les nombreux fonctionnaires voire même certains consultants, qui ont des difficultés à penser et agir en termes de partenariat. Le partenariat en effet, est une responsabilité partagée, il est étranger à tout comportement laxiste ou protecteur à partir d’une aide octroyée. C’est en réaction contre la « pratique ACP » que la coopération Amérique Latine et Asie a, plus tard, été conçue et mise en oeuvre. Elle était précisément fondée sur cette notion de co-responsabilité partenariale que la Direction Générale a subitement décidé d’abandonner au début des années 2000. Le même type de « Règlement » lourdement inspiré du modèle ACP règne donc à présent sur la coopération dans toutes les régions du monde.

 

Le volume de coopération à gérer étant devenu beaucoup plus important et le cadre réglementaire avec ses modifications et ajouts successifs s’alourdissant de jour en jour, la Commission dans le but très louable d’améliorer la gestion du système, se mit à enchaîner les réformes de structures, au cours des dix dernières années. On passa du vertical à l’horizontal puis on revint au vertical avec souvent un peu d’oblique en créant parfois des combinaisons étranges entre les secteurs et les régions, certaines activités spécifiques étant gérées au niveau mondial par exemple alors que d’autres restaient globales au niveau régional et que les dernières pouvaient être trans-sectorielles au niveau régional ou au niveau mondial. Bref, toutes les formules de structures chères aux consultants en organisation ont été essayées et chaque unité, petite ou grande, est passée par tous les stades, vertical, oblique et horizontal ! On aurait aimé interpréter cela comme le signe d’une grande vitalité et d’une saine réactivité aux changements extérieurs mais cela était en fait, beaucoup plus la manifestation d’une certaine faiblesse de pensée stratégique et d’une regrettable hésitation de la Commission, devant des décisions difficiles à prendre quant à l’identification exacte des causes de l’inefficacité grandissante de la gestion de la Coopération et des remèdes possibles.

Les réformes de structures sont en effet, restées « dans le cadre » d’un système de gestion qui manque de réactivité et s’avère inadapté aux besoins et aux contraintes de la coopération sur le terrain. Faire passer un homme, d’une direction ou unité verticale vers une direction ou unité horizontale ou « oblique », ne pouvait pas en effet, changer fondamentalement la manière de traiter un problème donné dans un pays donné puisque les obstacles bureaucratiques n’étaient pas levés et que le « Règlement » continuait de régner sur la gestion. Un certain nombre de rapports d’évaluation ont pourtant souligné à plusieurs reprises au cours des dernières années, l’inadaptation du cadre opérationnel de la Coopération et les incohérences et inefficacités que cela engendrait allant jusqu’à remettre en cause la pertinence de la coopération elle-même dans certains pays et pour certains instruments. Quelques uns de ces rapports sont dûment remontés au niveau des Directions et des Directions Générales concernées mais les seules réactions ont été des remontrances aux « consultants qui n’avaient pas bien compris la problématique politique et gestionnaire de la Commission » et qui dans leurs évaluations, « sortaient du cadre de gestion », par définition intouchable, dans lequel apparemment les hautes autorités souhaitaient continuer d’enferrer la coopération européenne.   

 

La dernière réforme de structure dérive de l’excellente idée qu’il fallait rapprocher le « coopérant » du « coopéré » et c’est ainsi que la Commission s’est lancée dans la grande aventure de la « déconcentration », vers les Délégations.

Le processus est maintenant plus ou moins achevé dans les différentes régions du monde et on peut en analyser les effets qui auraient pu être positifs si les moyens humains, matériels et institutionnels alloués aux délégations avaient été à la mesure des tâches transférées ce qui est loin d’être le cas général. Un dossier spécial Euromed de Novembre 2005, édité par la Commission à l’occasion du dixième anniversaire du Partenariat euro-méditerranéen de Barcelone, mentionne le rapport d’évaluation concernant l’instrument MEDA dudit Partenariat. Il y est clairement indiqué que la mission d’évaluation a éprouvé quelques soucis avec « l’ownership ou appropriation des actions de coopération par les partenaires, …. l’amélioration de la qualité de la programmation stratégique et indicative, …..l’amélioration de l’efficacité de la gestion et de la mise en œuvre de MEDA  » à quoi le Directeur concerné répond que « l’on va très sérieusement prendre en compte les recommandations concernant le renforcement des capacités dans les Délégations ». Il y est également évoqué un « manque d’expertise géographique » en tant qu’obstacle au travail des programmateurs ce qui est assez inquiétant malgré l’assurance du même responsable « qu’on doit bien être en mesure (sic !) de mobiliser au sein de la Commission, les compétences nécessaires » que ce soit dans les Délégations ou au niveau central des DG Relations Extérieures ou DG Développement, EuropeAid ou unités « thématiques ». Connaissant le langage feutré utilisé par les responsables des DG et les consultants dans leurs rapports, lorsqu’ils parlent de sujets politiquement ou institutionnellement sensibles, il faut comprendre que la situation n’est décidément pas très brillante sur les différents points mentionnés ci-dessus

 

Ceci n’est malheureusement pas propre à MEDA bien que les insuffisances évoquées y soient particulièrement aiguës. On a en effet, tout simplement reproduit dans les Délégations, la sclérose qui s’était auparavant développée dans les unités centrales : les fonctionnaires sont débordés par la complexité et l’incohérence du « Saint Règlement » et ils n’ont pas ou n’ont plus, le temps de s’occuper de leurs tâches essentielles à savoir l’identification, la préparation, le suivi et le contrôle des actions de coopération sous leurs diverses formes. Déjà au début des années 2000, les Délégations ne jouant pas encore le rôle qu’on prétend leur faire jouer aujourd’hui, les fonctionnaires des unités techniques avouaient que 70 à 80 % de leur temps était occupé à satisfaire aux exigences de paperasse et de communication hiérarchique, c’est à dire à « se couvrir et obtenir tous les avals et autorisations nécessaires  », et que le reste de leur journée concernait effectivement et directement la programmation ou la gestion des projets dont ils avaient la charge ! L’un d’eux ajoutait même en forme de boutade : « de toute manière, je ne peux effectivement réaliser dans la journée que 20 à 30% du travail que j’estime devoir faire à l’égard des pays et projets dont je suis responsable, cela vaut-il vraiment la peine de rester au bureau jusqu’à dix heures du soir pour en faire 10% de plus ? ».

La situation a bien évidemment empiré depuis, avec l’empilement en couches épaisses, des règlements nouveaux et des modifications aux anciens. Les structures des Délégations ont bien entendu, été étoffées mais pas en proportion du volume ni de la nature des responsabilités et des tâches nouvelles qui leur ont été confiées.

Ayant négligé de réformer le « Règlement » et de se débarrasser des mauvaises habitudes procédurales avant de « déconcentrer », l’inclination pour la paperasse a aussi été déconcentrée ! Les Délégations se sont vues dotées de « sections contrats-finances » avec des fonctionnaires souvent formés aux principes et rigueurs de la Cour des Comptes, qui se sont vite trouvés submergés par les détails de gestion des projets. Ils ont alors développé une double tendance à se comporter comme les roitelets de l’empire de Kafka et à ouvrir très largement le parapluie pour éviter toute retombée négative d’une éventuelle erreur d’interprétation du Règlement ! Face à eux, se débattent les consultants chargés de gérer les projets ou plutôt, d’assister les directions nationales des projets qui n’arrivent pas à suivre les méandres procéduraux et dont l’activité principale consiste à faire et refaire les papiers que leur demande cette redoutable « Section Contrat Finances » . Celle-ci les rejette une fois sur deux pour des raisons de pure forme, étant entendu qu’elle n’a pas les moyens ni les compétences pour en contrôler le fond. On pourrait légitimement se demander si certains contrôleurs ne le font pas tout simplement, pour affirmer leur autorité mais il n’en est rien car leur préoccupation (obsession ?) est tout bêtement d’appliquer le Règlement. On trouve également dans la mêlée, les fonctionnaires opérationnels c’est à dire ceux qui sont chargés de la substance de la coopération avec la définition des stratégies, la programmation, l’identification, la préparation et le suivi de la gestion des projets, bref, ceux qui sont responsables des objectifs et des résultats de la Coopération : ceux-là aussi, doivent suivre le rythme des « contrôleurs financiers » et s’épuisent en joutes procédurales aux dépens de l’essence même de leur mission qui est de faire en sorte que les projets atteignent les objectifs fixés. La plupart d’entre eux, sérieusement démotivés, ont abandonné le combat contre la pieuvre réglementaire comme l’avaient fait avant eux les fonctionnaires des unités centrales avant la déconcentration.

 

En conclusion, la déconcentration n’a pas amélioré la qualité ni la rapidité de gestion de la coopération d’autant que beaucoup d’autorisations, dérogations ou avals doivent toujours être demandés à Bruxelles. Contre cet état de fait, peu de Chefs de Délégation osent s’élever. Ils semblent tous paralysés devant la « forteresse administrative et comptable » : c’est sans doute d’ailleurs, une des raisons perverses pour lesquelles certains Délégués ont tendance à se replier sur le politique et le diplomatique en ne s’occupant réellement des projets que s’ils ont une forte visibilité ou un certain potentiel d’impact médiatique. En résumé, que la Coopération soit gérée à partir du « centre » ou qu’elle soit déconcentrée, le Règlement bloque toujours et ses adaptations ou modifications ne font qu’accroître la confusion sans atteindre les objectifs de qualité du contrôle financier qu’on serait en droit d’en attendre. Cette priorité que les « opérationnels » sont bien obligés de donner au Règlement, est naturellement la première cause d’inefficacité de leur action : on leur fait perdre leur temps à des opérations largement inutiles aux dépens de leur mission première et des résultats de la Coopération.

 

Mais d’autres risques apparaissent en Délégation et d’abord, celui d’être paradoxalement trop près des pays et des projets. En effet, dans la mesure où on ne pratique plus l’approche partenariale sous co-direction, les Délégations et leurs employés ont tendance à devenir trop compréhensifs voire complaisants avec les autorités locales auprès desquelles ils sont en représentation. Malgré quelques exemples du contraire, on constate généralement, une inversion de sens du rôle de représentation : certains délégués ou fonctionnaires deviennent peu à peu les avocats du pays et de ses administrations auprès de la Commission plutôt que ceux de la Commission auprès du pays. C’est un phénomène courant dans les ambassades que l’on pouvait déjà constater dans les Délégations avant la décentralisation mais il devient plus net encore après celle-ci. Il est vrai que le fait de décider et gérer l’aide à partir de la Délégation, met celle-ci en prise directe sur certains problèmes de gestion qui peuvent éventuellement dégénérer en problèmes politiques : le délégué est alors en première ligne et il lui faut savoir et vouloir résister à des pressions ou demandes souvent abracadabrantes. C’est difficile, et souvent périlleux, considérant qu’il est là également pour assurer les meilleures relations diplomatiques possibles avec l’Etat où il représente la Commission. Les malheurs de quelques Chefs de Délégation qui avaient voulu défendre les intérêts de la Commission contre les prétentions, turpitudes ou empiètements excessifs des autorités locales, sont également là pour refroidir leurs ardeurs. Il est en effet, délicat pour eux de dire non à un potentat local quand Bruxelles pour des raisons politiques, préfère éviter les vagues diplomatiques qu’une position ferme en matière de gestion de la coopération provoque inévitablement.

 

La déconcentration enfin, éparpille les compétences et ne favorise pas l’innovation méthodologique. Les Délégations en effet, ne peuvent être dotées de toutes les compétences utiles et nécessaires pour mener à bien une coopération efficace dans tous les secteurs qu’elle prétend couvrir. Les fonctionnaires disponibles au sein d’une Délégation ne sont pas assez nombreux et ne possèdent pas en général, l’expérience suffisante pour enclencher les processus de création-innovation et mettre en oeuvre toutes les synergies qui permettraient de résoudre les problèmes de développement du pays où ils travaillent. Il s’ensuit un risque de sclérose voire de régression méthodologique qui aura des répercussions négatives sur les stratégies et les actions de coopération. Déjà, les consultants se trouvent souvent en situation de ne pouvoir faire passer leur message devant des fonctionnaires arc-boutés sur des approches, méthodes, principes ou façons de faire inadaptés ou obsolètes et qui se réfugient derrière les complications et la lourdeur du Règlement pour refuser toute approche innovante . Du point de vue de leur tranquillité pour certains, de la surcharge de travail inutile que le fameux « règlement » leur impose à tous et compte tenu de l’inaction coupable de leur hiérarchie quant au changement du cadre de gestion, on se prend parfois à les plaindre sans toutefois aller jusqu’à penser qu’ils ont raison d’attendre ainsi leur mutation ou leur retraite !

Une bonne idée, la déconcentration, perd donc tout son sens faute de donner la priorité aux hommes et aux résultats sur des règles et des procédures censées assurer une certaine sécurité de gestion financière mais bien incapables de le faire en réalité.

 
 

Le Règlement et le contrôle financier sont en effet, devenus la première et …. la plus « efficiente » des causes d’inefficacité de la coopération.

 

Ces outils sont censés organiser, maîtriser et faciliter l’exécution de la coopération dans ses différentes formes et dans ses différents espaces géographiques. Ils devraient donc être l’équivalent du contrôle de gestion dans les entreprises mais l’administration européenne a oublié en les concevant et au fil de l’évolution de leurs applications, d’assurer leurs connections opérationnelles avec les objectifs de la coopération et avec les contextes d’intervention. Elle a donc gardé du concept, les contraintes du contrôle mais pas les exigences d’efficacité de gestion. Ce défaut bien sûr, est courant dans les grandes organisations de type administratif mais cela ne répond pas aux objectifs ni aux réalités de gestion extrêmement complexes et changeantes de la coopération : c’est un peu comme si dans le secteur privé, on voulait gérer des activités nouvelles de recherche-innovation ou de services aux particuliers avec les méthodes et les standards qu’on utilisait il y a cinquante ou cent ans pour faire de la mono-production de charbon ou d’acier !

Où a-t-on vu d’ailleurs, que la bonne gestion dépendait des procédures appliquées ? La bonne gestion se mesure par des résultats concrets qui répondent à des objectifs bien définis et qui sont obtenus par l’action des hommes dans un certain contexte. Obligez ces hommes à respecter des procédures qui ne sont adaptées ni à l’action à mener ni au contexte et vous pourrez indéfiniment recommencer les mêmes projets sans jamais obtenir les résultats espérés. C’est ainsi que la coopération devient un processus toujours renouvelé qui devrait encore assurer de longues années de travail aux fonctionnaires et consultants qui en sont chargés et sans doute encore, à leurs enfants et petits enfants… à moins que les pays eux mêmes ne finissent par trouver seuls le chemin de leur développement car c’est bien cela que la coopération devrait les aider à faire … activement et non par défaut !

 

Le problème est apparu lorsque la Commission s’est peu à peu déchargée de ses responsabilités sur les gouvernants aidés dans le but a priori louable mais bien utopique qu’ils « se responsabilisent » en s’appropriant les projets. En abandonnant le schéma de co-direction là où il existait et en l’ignorant ailleurs, elle a progressivement restreint le rôle des équipes d’assistance technique à une simple fonction de conseil. Sans même évoquer les bruits qui courent de « nationalisation du recrutement » au profit d’experts locaux voire de suppression pure et simple de ces équipes, qui priveraient la Commission de tout contrôle à la source, sur place et au fond, de l’opportunité et de la qualité des décisions de gestion. Elle a donc été tout naturellement conduite, à renforcer en contrepartie le contrôle administratif et s’est évertuée à multiplier, sophistiquer et entasser les textes, règles et procédures, au point que les gestionnaires en arrivent à concentrer leur énergie sur l’impératif de contrôle, illusoire car de pure forme, quitte à perdre de vue l’objectif de résultats. 

 

Le Règlement est en effet, un monument de charabia administratif que très peu de consultants ni même de fonctionnaires ont eu le courage de lire, mis à part les chapitres ou articles auxquels ils se heurtent directement selon le type d’activités ou de projets qu’ils doivent gérer ou évaluer. Il y a beaucoup de règlements dont le Règlement financier général et les Règlements ACP, MEDA, ALA, CARDS, TACIS, bref pour toutes les grandes zones de coopération et les principaux instruments. Les modifications et ajouts fleurissent et toujours compliquent, rendant la lecture et l’interprétation des textes aussi aisée que celle des élucubrations pédagogiques de notre Education Nationale ou des cheminements de pensée des philosophes de Normale ! Ces textes sont néanmoins censés cadrer l’action de terrain et l’harmoniser avec les objectifs et les modalités de coopération prévus dans les accords de coopération ou d’association ainsi que dans les conventions de financement de chaque projet ou programme. 

Le cœur du système est en fait, constitué par l’ensemble des règles et des procédures applicables aux marchés de services, de fournitures et de travaux qui fixent certaines limites à la liberté de contracter des « pouvoirs adjudicateurs », à savoir les gouvernements, en les soumettant à une série d’approbations ou d’avals préalables de la Commission, selon les montants et la nature des dépenses à engager. Dans la procédure décentralisée avec contrôle dit « a posteriori », les approbations ou avals préalables disparaissent mais attention ! la Commission se réserve le droit de « rembourser ou non » les dépenses engagées selon qu’elle les considère « acceptables ou non » du point de vue du (des) règlement(s) sachant que ce qui ne sera pas accepté, sera mis à la charge du gouvernement bénéficiaire. De même les demandes de réapprovisionnement des comptes des projets ou des lignes spécifiques des ministères financés par la Commission, sont soumis à l’accord préalable de la Délégation. Tout cela paraît fort normal et justifiable intellectuellement mais la pratique s’est avérée désastreuse comme on va le voir.

Il y a d’abord, un mélange assez confus des procédures européennes et nationales négocié entre les autorités de la Commission et celles du gouvernement national, chacune voulant faire prévaloir autant que possible ses propres procédures. On imagine la complication paralysante qui peut en résulter sachant que les procédures des uns comme des autres sont en général, particulièrement floues et sujettes à discussion. Le fameux Règlement stipule pourtant, que les procédures de la Commission doivent prévaloir sur les procédures nationales : alors pourquoi ne pas les faire prévaloir ? ce serait plus simple mais, probablement, moins politiquement correct !

La première source de complication se trouve là, à tel point qu’on a vu un pays comme le Maroc, pourtant héritier de la vieille et forte tradition administrative française, accepter de renoncer à ses propres procédures de gestion publique pour faciliter l’exécution des projets de la Commission alors que cette dernière s’arc-boutait à son Règlement quitte à faire passer la préoccupation pour les objectifs et les résultats, loin derrière celle du respect du sacro-saint règlement ! On croit rêver devant cet aveuglement des grandes Directions et des Commissariats responsables qui, en ne prenant pas l’initiative d’un grand chambardement du Règlement, ont fait en sorte que le respect des procédures soit privilégié aux dépens des objectifs politiques, économiques et sociaux des projets : il s’agissait dans le cas du Maroc, de plusieurs projets de développement rural pour des montants de l’ordre de 100 millions d’euro. Mieux encore, ils ont pour la même raison été conduits à forcer certains projets à engager leurs dépenses dans des délais tout à fait intenables pour pallier les retards que le « système » lui même avait antérieurement engendrés ! Peu importe, il fallait « contracter et liquider ». Les responsables d’alors étaient en effet, obsédés par le « RAC/RAL » (reste à contracter, reste à liquider) bien qu’ils n’aient rien fait d’efficace à l’époque pour simplifier et accélérer les processus de décision et de gestion qui précisément, occasionnaient les retards qu’on reprochait aux projets.

 

Ce n’est évidemment pas aux gestionnaires de projets ni même aux fonctionnaires des Délégations ou des unités techniques qu’il faut s’en prendre mais bien aux autorités supérieures qui en l’occurrence, ont fait preuve d’une grande négligence devant les réformes qu’il fallait entreprendre : une négligence qui a coûté et continue de coûter des centaines de millions d’euro car le Maroc n’est ici qu’un exemple des pays où sévit l’incurie… On pourrait citer l’exemple d’un projet chilien dont le démarrage a été retardé de plusieurs années faute d’avoir défini à temps les procédures qui devaient remplacer le système de co-direction sous lequel la gestion dudit projet avait été conçue : ce projet a néanmoins pu atteindre ses objectifs parce que dans ce cas précis, le personnel de la Délégation n’a pas succombé à la maladie bureaucratique et a pris sur lui d’ « interpréter » le Règlement dans un sens moins bloquant. De même en Colombie où la Délégation s’est battue pour obtenir de ne pas appliquer le nouveau règlement et maintenir la co-direction jusqu’à la fin des projets qui avaient été conçus sur ce mode. Rendons hommage à ces deux Délégations qui ont su partiellement sauver les meubles. Elles ne pourraient malheureusement, plus le faire aujourd’hui comme on a pu le constater dans tous les pays où nous avons eu l’occasion de travailler dans les dernières années. 

Cette « négligence » du niveau hiérarchique supérieur n’a donné lieu à aucune sanction. Il est d’ailleurs probable que parler de sanction à l’encontre des responsables de Commissariat ou de Direction Générale, en choquerait beaucoup qui n’en comprendraient même pas la raison ! Personne ne rendra donc de comptes pour un tel gâchis politique, économique et financier. Les anciens commissaires et directeurs généraux ont été remplacés par d’autres et les nouveaux hauts responsables continueront probablement de sommeiller dans le même cadre de gestion ; ils ne seront pas non plus, tenus pour responsables de leur absence d’efficacité ni de leur abstention dans la réforme du système. N’étant pas soumis à des indicateurs d’efficacité, ils n’ont effectivement aucune raison de chercher les causes d’inefficacité de l’aide ! Faudra-t-il faire à cet égard, des recommandations au Conseil et au Parlement ? On peut être légitimement choqué à l’idée qu’ils n’y pensent pas eux mêmes…. Peur du scandale, laisser-aller,… ? peut-être !

 

La Commission, désormais soulagée de ne plus devoir porter la part de responsabilité dont le système de co-direction en particulier, la chargeait, peut maintenant se limiter à jouer les mouches du coche par l’intermédiaire des Délégations : elle dit oui ou elle dit non, assez souvent selon l’humeur et la charge de travail momentanée du contrôleur de la section contrat finances. Si elle dit non, l’exécution du projet attendra ou alors, le gouvernement prendra les dépenses à sa charge. Beaucoup de pays qui croyaient y trouver plus de souplesse, sont d’ailleurs devenus très réticents à la procédure du contrôle a posteriori, en raison des nombreux refus de payer ou des difficultés soulevées par les contrôleurs financiers, leur justification n’étant pas toujours évidente et leur raison relevant plus du « pinaillage administratif » que d’une saine gestion des fonds. En somme, la Commission signifie aux gouvernements : choisissez, soit le risque de non-remboursement au gré des interprétations qu’on fera ici ou là des dispositions du Règlement…ou le retour vers l’enfer du contrôle a priori ! Vu du côté du comptable, c’est merveilleux : plus de priorités, plus d’urgences, tout peut attendre et on attendra jusqu’à ce que les procédures soient accomplies ! Du côté du gouvernement et des responsables opérationnels du projet, il arrive qu’on se préoccupe quand même de la bonne exécution des activités prévues et qu’on houspille un peu la Délégation pour obtenir les avals nécessaires dans des temps raisonnables. Ils s’abstiennent toutefois, d’aller trop loin dans cette audace de peur d’indisposer la fameuse section contrats-finances. Celle-ci répond ou ne répond pas … et quand elle répond, au téléphone ou par écrit,  le ton est souvent d’une sécheresse administrative inacceptable pour ne pas dire d’une impolitesse caractérisée s’agissant d’une réponse à un ministre ou à un haut responsable local ! De toute manière, cela n’a pas grand effet puisque la Commission avance maintenant au tempo de la comptabilité ou de l’audit et non à celui de l’action sur le terrain. Les notions d’urgence ou d’erreurs mineures ne sont pas reconnues : les demandes d’un projet ou d’un gouvernement doivent être formalisées selon les règles au centime près et au jour près, en fonction des documents de projet ou budgétaires de référence et leurs actions ne deviennent urgentes que lorsque la Commission les a approuvées.

 

Plus grave encore, le contrôle effectué n’est la plupart du temps qu’un simple contrôle de forme, papier contre papier et chiffre contre chiffre entre ce qui est demandé et ce qui avait été prévu ou budgété. Il n’est pas un contrôle d’opportunité ni de fond qui est censé avoir été fait au moment de l’élaboration du plan d’action et du budget et que les fonctionnaires des sections « contrat-finances n’ont en tout état de cause, pas les moyens de faire correctement. Il n’est pas non plus un contrôle de qualité que seules les missions d’évaluation peuvent faire si elles savent le faire. Tout peut donc passer, même les dépenses ou les prix les plus discutables, pour peu que leur enveloppe ait été prévue à la ligne budgétaire adéquate et que les projets aient satisfait aux règles et procédures d’appel d’offres. Bref, le contrôle est inopérant car il ne peut pas identifier et n’a pas les moyens de contrôler les erreurs, malversations ou coulages importants mais il peut aisément bloquer les projets pour des vétilles qui, elles, ne passeront pas ! Cela bien sûr, ne peut que satisfaire beaucoup d’intérêts privés, politiques ou personnels qui n’ont rien à voir avec ceux des projets ni des populations que ces derniers sont censés servir.

Il est vrai, et ceci explique en partie cela, que le Règlement a été conçu et laborieusement mis en place par des administrateurs publics soucieux de contrôle budgétaire et de préserver la virginité de l’administration dans l’ordonnancement et le paiement des dépenses. Il a donc été conçu du point de vue du fonctionnaire contrôleur, au sens de contrôle comptable et financier, sans beaucoup tenir compte des contraintes du fonctionnaire responsable des résultats des projets et encore moins de celles du gestionnaire de terrain. Il en résulte que les procédures, si elles permettent de mettre l’administration à l’abri d’une éventuelle mise en cause dans la gestion des fonds, n’ont pas été conçues comme un système de gestion permettant d’atteindre des objectifs de développement au meilleur coût. La Commission se place ainsi en totale contradiction avec le discours de l’autre baudruche du système, à savoir l’approche dite du « cadre logique » dont tout le monde se réclame mais que personne n’applique correctement, nous y reviendrons.

 
 

Ces avatars de gestion retardent les projets, bloquent les dynamiques et le taux d’efficacité des projets a sombré

 

Pour chaque demande faite par un projet par l’intermédiaire de l’institution nationale bénéficiaire, il faut en général, compter plusieurs aller-retours des documents entre le demandeur et la Délégation parce que tel ou tel article d’un contrat n’est pas rédigé selon les formes qui conviennent, qu’il y a une erreur de calcul quelque part, que les règles régissant les appels d’offres pour telle ou telle catégorie d’achat n’ont pas été totalement respectées, que la signature n’est pas la bonne, que la date limite a été dépassée, etc…, etc… Chaque aller-retour représente plusieurs semaines voire des mois de délai qui retardent d’autant l’action sur le terrain. Il est vrai que la simple application des règles en vigueur est déjà très lourde pour le fonctionnaire contrôleur mais trop souvent, il contribue lui même, à sa propre surcharge par la rigidité de son interprétation des règles et par des pratiques procédurales toutes personnelles qu’il impose aux autres sans qu’elles soient aucunement d’ordre public. Encore ne parle-t-on pas ici des cas fort nombreux où des autorisations, avals ou dérogations doivent être demandés à Bruxelles : dans ce cas, le délai de réaction bruxellois, la plupart du temps fort long, s’ajoute au délai de réaction de la Délégation elle même qui s’ajoute bien entendu, au délai de l’administration nationale ! On ne compte plus dans les projets, le nombre d’actions, d’évènements, réunions de travail ou d’échange, séminaires de formation ou autres activités qu’il a fallu annuler parce que les autorisations nécessaires pour pouvoir engager les dépenses, sont arrivées après la date prévue de ces actions voire parce que la date limite d’exécution du projet lui même était atteinte ! Dans beaucoup de projets de développement rural, il est malheureusement courant de plaisanter sur les semences qui arrivent après les semailles ou bien dans les projets humanitaires ou de sécurité alimentaire, sur l’aide alimentaire qui arrive au bout de six mois comme si les affamés pouvaient attendre : heureusement, ces derniers trouvent généralement des voies de recours plus rapides mais les souffrances ne sont pas comptabilisés pas plus d’ailleurs, que la perte de crédibilité de la Commission ou du bailleur concerné . Mieux encore, il arrive assez fréquemment que des fonctionnaires des Délégations ou de Bruxelles reprochent ces échecs aux projets alors que la cause fondamentale en est leur seule incurie ou plus exactement, leur incompréhensible réticence à décider et mettre en oeuvre la réforme d’un système de gestion inepte ! On est dans l’absurde et dans l’inconséquence les plus absolus.

 

Parlant des projets eux mêmes, ils prennent pour la plupart, un retard considérable aussi bien au démarrage qu’à l’exécution. On ne peut déjà plus lancer un projet en moins de deux ans et si les procédures de gestion ne sont pas suffisamment précisées et agréées dans ce délai, entre la Commission et les institutions nationales bénéficiaires, il risque de souffrir un délai supplémentaire qui peut se compter en mois voire en années. On se bornera à rappeler que, dans les années 85-95, les délais normaux de lancement effectif des projets sur le terrain, étaient de six à neuf mois avec des exceptions de trois à six mois lorsque l’urgence était proclamée comme on a pu le faire par exemple, en Bolivie ou au Cambodge. En ce qui concerne l’exécution, beaucoup de projets sont en retard et risquent la guillotine du RAC/RAL : le cercle vicieux s’enclenche en effet, à partir du moment où le projet étant en mis en retard par l’application excessivement tatillonne de règles et procédures inadaptées, la bureaucratie centrale commence à lui en faire le reproche et à le menacer de fermeture s’il ne dépense pas plus vite, ce qui est par construction, impossible dans le cadre actuel de gestion. On aura donc réussi le tour de force de rendre mauvais à l’exécution, une infinité de projets y compris ceux que l’on pouvait considérer comme bons à l’origine. Ajoutons que la déconcentration de la gestion vers les Délégations n’a pas vraiment amélioré les choses contrairement à ce qui était espéré puisque ces dernières ont été « dotées » de contrôleurs souvent plus tatillons encore que les anciens et qu’étant loin du centre et seuls responsables des autorisations qu’ils donnent, ils cherchent à se couvrir encore plus contre toute erreur de procédure ! De plus, ils doivent répercuter sur Bruxelles les autorisations, dérogations ou avals que les projets ne cessent de leur demander pour faciliter leur gestion ce qui rallonge d’autant le circuit de décision. En résumé, que la Coopération soit gérée à partir du « centre » ou qu’elle soit décentralisée, le facteur bloquant reste le Règlement et tant qu’il ne sera pas sévèrement « taillé », on ne pourra attendre aucun progrès de quelque réforme de structure que ce soit.

 

On atteint le comble de l’absurdité lorsque, au nom du Règlement, on oblige des communautés paysannes ou des groupements féminins dont pratiquement aucun membre ne sait lire ni écrire sa propre langue, à préparer et rédiger en français, en anglais ou en espagnol, des documents d’appel d’offres ou des contrats pour la réalisation de leurs micro-infrastructures ou micro-activités de quelques centaines voire quelques milliers d’euro comme s’il s’agissait de marchés de dizaines de kilomètres d’autoroutes ou de barrages de dizaines de millions de mètres cube ! Le Règlement en lui même, est un obstacle insurmontable à la mise en œuvre d’un quelconque projet de développement rural ou urbain impliquant le secteur informel dont les activités ne peuvent être identifiées, exécutées, gérées et éventuellement financées que par les communautés ou groupements de base eux mêmes. Il s’agit là en effet, d’une condition impérative si l’on veut obtenir une réelle implication et appropriation de leur part et enclencher un processus autonome de développement local. La procédure des appels d’offres et de l’exécution par des entreprises extérieures, rend le pari impossible et donc vain tout discours de la Commission sur l’émergence économique du secteur informel qui encore une fois, est la seule voie de développement du marché intérieur en raison de son importance majeure au sein de la population des pays en développement.

 

Citer des exemples reviendrait à nommer la plupart des projets sur lesquels il nous a été donné de travailler au cours des dix dernières années, ACP, MEDA et maintenant aussi Amérique latine et Asie depuis la regrettable mise à mort du système partenarial de co-direction. On en arrive depuis quelques années, à faire des évaluations dites « à mi-parcours », de projets qui n’ont pas encore réellement démarré sur le terrain, trois ou quatre ans après la signature de la convention avec le pays assisté ! Quelque chose ne va pas en effet, quand les projets mettent deux ans à démarrer au Chili, quand ils prennent deux ans de retard au Maroc, quand on décide parfois de les interrompre avant terme ou qu’on doive prolonger une, deux ou trois fois leur durée d’exécution par une série d’addendum à la convention de financement, quand les responsables locaux piochent sans vergogne dans la caisse au Népal, au Yémen, au Nicaragua ou ailleurs, quand on biaise les décisions pour favoriser des intérêts électoraux, claniques ou personnels en Bolivie, aux Comores, au Liban, au Tchad, en Egypte et ailleurs, quand encore certains rapports de la Cour des Comptes elle-même, au Yémen par exemple, constatent que les délais sont anormalement longs et occasionnent des retards coûteux dans les projets, que trop de latitude est laissée aux gouvernants locaux dans les décisions stratégiques ou opérationnelles, que les contrôles de terrain sont insuffisants et ne permettent pas de vérifier la réalité des opérations ni leur justification, etc… quand enfin, les fonctionnaires eux mêmes de la Délégation font tout, en Colombie et au Chili par exemple, pour éviter que le nouveau règlement ne s’applique et pour maintenir en vigueur le plus longtemps possible le principe de Co-direction des projets !

Ce ne sont là que quelques exemples d’un mal trop répandu. Dans ce contexte, le dossier spécial Euromed du 24 Novembre 2005 publié à l’occasion du dixième anniversaire de la Déclaration de Barcelone, prend un accent tristement comique avec la question finale posée au Directeur concerné, par le journaliste de service : « D’après vous, quel est l’élément le plus important qui explique le succès du Programme MEDA II qui est devenu au cours des trois dernières années, le meilleur instrument de coopération de l’UE ? (sic)». La question aurait pu être interprétée comme une provocation destinée à permettre au Directeur responsable de modestement, relativiser les choses mais non ! le Directeur acquiesce et explique la « recette du succès » : dévouement et travail des fonctionnaires et acteurs, partenariat exemplaire, etc…. Des mots qui recouvrent une réalité moins brillante puisque le rapport d’évaluation, objet de l’article, soulignait lui même, « le manque d’expertise géographique en tant qu’obstacle à la programmation, l’insuffisante participation des partenaires …en termes de responsabilité et d’ ownership, etc… ». Notre expérience des pays en question nous permet d’affirmer que ces dernières critiques sont exprimées avec un art exceptionnel de l’ « understatement » : en effet, au delà des insuffisances stratégiques et programmatiques qui expliquent un certain flou dans les orientations techniques et financières de l’aide, les projets sont trop souvent, en retard aigu d’exécution financière et en retard plus catastrophique encore d’exécution physique en raison des pesanteurs ou blocages procéduraux. Est-ce un signe que la conférence anniversaire des dix ans du processus de Barcelone ait été superbement ignorée par les chefs d’Etat des pays du sud de la Méditerranée ? Cela ne saurait semble-t-il, être interprété comme un franc succès de participation et d’appropriation ! Revenons à la réalité : il est osé en effet, d’avancer que l’instrument MEDA soit le plus efficace des instruments de coopération de l’UE, car il est probablement, celui où les défauts de programmation se conjuguent le mieux avec les handicaps de procédures et avec une méconnaissance sidérante des stratégies de terrain qui marchent. La coopération dans les pays ACP et maintenant celle des pays ALA, souffrent en grande partie des mêmes maux mais ces deux régions, en particulier ALA, ont à coup sûr, plusieurs longueurs d’avance sur MEDA en ce qui concerne les méthodologies de développement et de lutte contre la pauvreté. Il serait sans doute temps de faire preuve d’un peu plus de discernement dans l’évaluation des réalités de la coopération, de sa pertinence et de son efficacité.

 

Pour conclure sur le désastre du Règlement, on peut dire que les règles comptables et financières permettent de saisir le plus petit détail de la gestion financière au point que certains en arrivent à éprouver une jouissance sadique à bloquer un projet plutôt que de laisser passer une erreur de centime ou de virgule. En revanche, elles ignorent totalement la stratégie des projets dont les opportunités et les contraintes ne peuvent être traitées en temps utile du fait des pesanteurs administratives ce qui coûte des millions d’euro à chaque projet, en termes d’efficacité et d’impact. En se fondant sur le travail de préparation, suivi ou évaluation de la centaine de grands projets qu’il nous a été donné de connaître, on peut grossièrement estimer que le taux d’efficacité d’ensemble de ces projets est passé de 70 à 80 % dans les années 1985-1995 à un taux de l’ordre de 30 à 40 % dans la décennie 1996-2005. Ceci étant évalué en tenant compte de l’évolution des politiques de coopération et des méthodologies des projets sur la période ainsi que de leurs résultats concrets par rapport à leurs objectifs originaux ou raisonnablement réévalués. Ajoutons que ce jugement ne tient compte que des résultats des projets tels qu’ils ont été conçus, on ne prend donc pas en compte les « manques à gagner » éventuels dus à une mauvaise définition stratégique et opérationnelle desdits projets et encore moins à une mauvaise définition des priorités dans la programmation de la coopération d’ensemble. Il s’agit donc d’une estimation optimiste puisqu’elle se situe par rapport à ce que la Commission a décidé de faire et non par rapport à ce qu’elle aurait dû ou pu faire ! Ce genre d’évaluation se pratique fort couramment dans les entreprises privées et dans le domaine politique où elle trouve sa sanction respectivement, dans la révocation des chefs d’entreprise et dans la non-réélection des responsables politiques mais elle n’existe pas à la Commission comme dans la plupart des administrations. Il n’y a pas en effet, chez ces dernières, de sanction au manque d’efficacité ; ce n’est apparemment pas considéré comme un critère d’évaluation pertinent !!

La Commission vit donc en grande partie, hors du temps de l’action ce qui la place en porte à faux vis à vis des projets et des institutions nationales qu’elle est censée soutenir. Elle laisse ainsi se développer une certaine impatience des partenaires devant son manque de réactivité et d’a propos ; celle-ci se transforme rapidement en un franc découragement et un mortel laisser-aller des acteurs de terrain avant que la comédie ne devienne un triste vaudeville où la Commission n’a plus le beau rôle malgré les « satisfecits » qu’elle s’octroie dans ses documents d’information !  

 
 

Les fonctionnaires sont découragés et beaucoup exaspérés…. il y a les bons et les mauvais mais le « système » les paralyse tous !

 

Admettons pour simplifier un ratio raisonnable d’une moitié de bons et d’une moitié de mauvais parmi les centaines de fonctionnaires de tous niveaux que nous avons rencontrés à l’occasion de nos diverses études pour la Commission. Tous sont débordés sauf quelques paresseux dont l’un par exemple, lorsque je voulais lui rendre compte de mes travaux pour le Pacte Andin, posait son journal et me disait gentiment: « vous connaissez le chef d’unité mieux que moi, il vous fait plus confiance qu’à moi, allez donc le voir directement, ce sera plus efficace !». D’autres n’étaient pas nécessairement fainéants de nature mais l’étaient devenus à force de se heurter à l’inertie réglementaire, tel ce chef de mini-unité transversale qui a fini sa carrière dans les « bof, à quoi bon, peut être, on verra plus tard ! » bien loin de ses actives ambitions du début.

Certains deviennent très imbus de leur importance. On les trouve souvent dans les postes de délégués ou de sous-chef d’unité en devenir, avec quelquefois un soupçon de paranoïa. Nombre d’entre eux en effet, se jugent destinés à s’occuper de haute politique et ne s’abaissent pas à prendre soin des projets : on remarquera seulement que les postes de réelle importance diplomatique, Chine, Inde ou autre grand pays, n’étant pas très nombreux, on ne sait pas exactement à quoi les délégués s’agitent quand ils ne veulent pas s’occuper des projets ! L’un d’eux, extrait d’un simple poste de responsable pays, venait d’être nommé dans une Délégation nouvellement installée en Amérique Latine. Me faisant visiter sa résidence qui comportait déjà trois salons de réception et un immense parc tout à fait dignes des ambassadeurs de France ou des Etats-Unis, il m’asséna : « vous comprenez, compte tenu de mes obligations, je vais devoir changer de résidence, je ne peux pas recevoir dans ces conditions ! ». C’était le même qui réunissant les chefs de projet de la région, eut le ridicule de les sommer de « choisir entre lui et Bruxelles » parce qu’il ne supportait pas que les projets rendent compte directement à l’Unité Technique du siège comme c’était la règle à l’époque. Ce fut lui encore qui, dans un domaine où la Délégation pouvait intervenir de façon plus directe, finança par imprudence, quelques organisations locales plus ou moins liées avec les mouvements gauchistes locaux, … joli coup diplomatique !

Un autre exemple plus récent dans un pays du Proche Orient dont le délégué se refusait à prendre contact avec l’organisme national de planification et programmation, institution incontournable et de plus interlocuteur officiel de la coopération internationale, parce qu’il n’aimait pas le Président de cet organisme. Il n’avait pas non plus le temps d’assister à la présentation du Plan à 5 ans du pays ni même d’apparaître à certain colloque organisé par la Commission elle-même, pour élaborer plusieurs projets de loi concernant l’aménagement du territoire où participaient pourtant plusieurs ministres, ni bien sûr de visiter les projets financés par l’Union. Sans doute considérait-il que tout cela n’était pas de son niveau et que son rôle comme « sherpa de la paix en Orient » était plus valorisant bien que celle-ci ne dépendît guère de son action. Il disposait aussi, d’une escouade de gardes du corps mais son chargé d’affaires intérimaire lorsqu’il s’absentait, n’y avait pas droit : sans doute était-il plus résistant aux balles et aux explosifs! Les ambassadeurs des Etats membres, sans doute jaloux, s’en sont émus : combien cela coûte-t-il ? ont-ils un jour demandé. Les cercles internationaux et ceux du pays hôte s’en amusaient mais les fonctionnaires et consultants européens en étaient plutôt attristés.

Un autre, jeune cadre d’une des unités d’Amérique latine, n’eut de cesse pendant des années d’essayer d’affirmer son autorité sur les consultants qu’il était censé suivre pour le compte de son chef d’unité. Il est vrai que celui-ci ne lui facilitait pas la tâche dans la mesure où il faisait plus confiance à ses consultants qui avaient bien sûr, plus d’expérience. Le jeune cadre en question a vieilli mais n’a pas changé et, monté en grade, il continuait de vouloir imposer ses velléités et lubies à ses consultants auxquels il aimait faire sentir que le pouvoir était bien chez lui et pas ailleurs.

Ce défaut est assez fréquent à la Commission chez les opérationnels mais plus répandu encore chez les contrôleurs financiers du siège et des délégations pour qui le consultant est certainement, un profiteur et qui sait ? un voleur en puissance dont il faut contrôler toutes les dépenses au centime près, les jours de travail et bientôt (on y pense ! disait l’un d’eux), les heures de travail ! Jolie ambiance de partenariat et de confiance dans le monde de la Coopération européenne !

Ce sont là quelques exemples parmi les nombreux cas de paranoïa et de frustration plus ou moins aiguës que nous avons rencontrés. La prétention notamment la prétention « ambassadoriale » chez quelques délégués et fonctionnaires de Délégation, est le plus souvent la marque normale d’un certain manque d’intelligence ou de confiance en soi, voire les deux.

 

Mais la majeure partie des « mauvais », se trouve dans la catégorie de ceux qui laissent aller. Certains fonctionnaires louvoient ou refusent de voir les problèmes dans les projets qu’ils supervisent sans d’ailleurs, qu’on veuille dire par là qu’ils en soient directement responsables mais la situation dans ces cas, devient très gênante. D’autres suscitent ou laissent se développer les mêmes problèmes par le « laisser-faire » de leur gestion. Par exemple, ce fonctionnaire d’une Délégation d’un pays d’Asie du Sud-Est qui a tout fait pour empêcher que ne s’applique là bas le schéma de gestion par co-direction jusqu’à ce que devant l’échec de la gestion par les ministères locaux, les autorités elles mêmes de ce pays, en réclament l’application. En Haïti également, où la coopération aurait du être interrompue à plusieurs reprises à défaut d’imposer aux ministres et politiciens du pays, des règles de gestion efficaces. Et ailleurs, en République Dominicaine, au Nicaragua, au Tchad, au Niger, au Maroc, en Egypte, au Yémen, en Erythrée, au Liban, au Népal, aux Philippines, partout on se satisfait de systèmes de gestion inefficaces et peu sûrs qui laissent la porte ouverte à toutes les tentations et qui par leur complication, font désespérer d’obtenir les résultats escomptés dans les délais voulus.

Il y a aussi les bornés, les vieux parce qu’ils n’ont pas évolué et ont du mal à sortir du cadre stratégique et opérationnel auquel ils sont habitués et les jeunes parce qu’ils ont peur de se tromper et deviennent excessivement tatillons par manque d’expérience et de confiance en eux. Ainsi dans un pays du Sahel, impossible de faire comprendre à un vieux fonctionnaire français de la Délégation que la stratégie de lutte contre la pauvreté et le dispositif de sécurité alimentaire devaient être totalement revus et que les bailleurs y compris la Commission, appliquaient une stratégie inefficace depuis des années : les consultants selon lui, devaient faire leurs propositions dans le cadre ainsi fixé hors duquel point de salut ! A l’inverse, en Algérie, c’est un jeune fonctionnaire allemand de Bruxelles qui se raccroche désespérément au cadre logique (méthodologie inspirée des systèmes de direction par objectif), pour s’assurer que ce que propose le consultant rentre bien dans le moule méthodologique : rigidité et manque d’expérience vont souvent de concert ! Le problème est que ces jeunes fonctionnaires frais émoulus du concours, n’auront probablement pas le temps d’apprendre la réalité de la coopération sur le terrain, trop occupés qu’ils sont avec les méthodologies toutes faites et les contraintes du Règlement qu’on leur impose.

 

Il faut aussi parler des « sous-fonctionnaires » c’est à dire des personnes qui ont été recrutées comme personnel temporaire contractuel. Dans cette catégorie, les Délégations recrutent beaucoup de personnel local à qui elles confient souvent des fonctions de responsabilité que les impétrants ne sont pas capables d’assumer. Malgré quelques exceptions, comme au Nicaragua ou au Chili, c’est un cas trop fréquent dans de nombreux pays. On voit par exemple de charmantes jeunes comptables philippines faire la leçon à des chefs de projet chevronnés ou une ex-assistante libanaise avouer qu’elle ne comprend rien au discours d’un responsable du projet d’aménagement du territoire dont elle a été nommée « superviseuse » mais qu’elle a trouvé fort intéressant le discours précédent d’un consultant local qui ne faisait que débiter des généralités et des poncifs sur le même sujet. Le cas philippin est exemplaire : on y a vu se succéder des responsables très politiquement corrects qui faisaient presque plus confiance à leurs employés philippins qu’à leurs experts européens au point que cela en devenait gênant pour les consultants de passage qui connaissaient bien la situation locale. On comprend tout à fait le souci des chefs de délégation, de jouer la transparence en faisant un peu de démagogie dans les pays où ils ont été affectés mais il ne faut pas sous ce prétexte, bafouer les principes élémentaires de décence vis à vis des experts européens avec lesquels on travaille, d’efficacité dans la gestion des projets et de confidentialité des informations éventuellement sensibles de la Commission.

Il y a aussi les consultants recrutés pour aider les fonctionnaires à faire face à une charge de travail temporairement trop lourde. Cette bonne idée a malheureusement donné lieu à des abus et s’est beaucoup trop répandue avant d’être supprimée au début des années 2000 quand les consultants contractuels finissaient par se substituer aux fonctionnaires. On trouvait là de tout mais souvent du moins bon dans la mesure où lesdits consultants n’avaient pas la sécurité de l’emploi qui assied si bien un fonctionnaire : parmi eux aussi, il y avait des laxistes, des rigides, des pinailleurs, des incompétents, etc… L’archétype en était un néerlandais ne prenant aucun risque vis à vis de ses chefs, fuyant les décisions, rigide sur les quelques techniques qu’il connaissait, flottant dans ses rapports avec les autres : il avait malheureusement été chargé par le chef de l’unité technique à laquelle il appartenait de superviser les approches crédit et épargne-crédit pour les projets de développement ; ce fut une grave « erreur de casting » car il n’avait en fait, qu’une petite et très partielle formation de banquier rural après avoir sévi dans une Banque Agricole asiatique ; il ne connaissait rien à l’approche épargne-crédit ni à la problématique du secteur informel mais il s’évertua à torpiller les initiatives de plusieurs consultants d’expérience qui cherchaient à établir cette approche comme une politique de la Commission dans certains pays plus particulièrement sensibles à cette forme d’action. Il fit perdre plusieurs années à la Commission dans ce domaine avant de reconnaître une fois redevenu consultant, que les expériences faites malgré lui, notamment aux Philippines, avaient été positives !

A la limite de la déontologie, on trouve des filous comme cet ex-mauvais consultant qui a laissé des souvenirs très mitigés au sein des bureaux d’études où il fut successivement employé mais qui fut plus ou moins intégré en dépit de cela, dans la structure de gestion de la Commission dans un pays de l’ex-Europe de l’Est ; il n’hésitait pas à se débarrasser des consultants qui ne lui convenaient pas (ou qui ne convenaient pas à ses partenaires locaux ?) lorsqu’ils détectaient la mauvaise gestion de certains des projets dont il avait la charge ; il était aussi du genre lorsqu’il était soudainement pressé par le temps, à exiger des bureaux d’études menaces à l’appui, qu’ils rendent disponibles leurs consultants avant même que leur contrat ne soit signé, en contradiction avec le règlement qu’il mettait en avant sans vergogne quand cela l’arrangeait; bref un petit despote assez malhonnête. Il y en eut plusieurs de cet acabit parmi les consultants intégrés à la Commission.

 

Ces exemples sont donnés ici pour illustrer le propos et montrer les dégâts stratégiques, techniques et financiers que peut provoquer une déficience de contrôle hiérarchique beaucoup trop fréquente à la Commission. Et comme il faut toujours remonter en haut pour trouver les responsabilités finales, il faut bien en arriver aux plus hauts responsables, entendons par là les Commissaires et les Directeurs Généraux, leurs adjoints et leurs cabinets. Ces derniers en effet, au cours des dix dernières années, ont fait preuve de trop d’aveuglement et d’aboulie en laissant sans réagir, la coopération se développer dans un cadre qui se figeait progressivement. On peut leur reprocher une grande négligence dans le commandement en ne s’attaquant pas aux racines du mal et en laissant leurs subordonnés se débattre inutilement dans les rets d’un système kafkaïen jusqu’à baisser progressivement les bras puis renoncer. En tant que chefs qui n’ont pas su, voulu ou pu adapter leur outil de gestion aux nécessités des gens ni à l’évolution des choses, ils portent la responsabilité de la médiocrité de la coopération européenne. Ils ont failli à leur mission si l’on considère que la coopération est un des piliers de la politique étrangère européenne et que des milliards d’euro étaient en jeu sans compter les millions de gens qui attendent mieux de notre coopération !

 

Rappelons néanmoins que ces critiques simplement ironiques ou plus fondamentales, ne s’adressent bien évidemment qu’à une partie des fonctionnaires rencontrés ce qui implique que l’autre partie est composée de fonctionnaires intelligents et potentiellement efficaces. Malheureusement, ce potentiel se trouve considérablement réduit par le phénomène de fossilisation bureaucratique qui paralyse peu à peu la Commission depuis le milieu des années 90  et, au-delà de l’ironie, le gâchis humain ainsi perpétré reste difficilement qualifiable.

 
 

Le fonctionnaire et le consultant… un couple obligé à l’allure parfois incertaine

 

Le mode de fonctionnement de la Commission veut que les fonctionnaires fassent équipe avec les consultants. Les fonctionnaires initient et contrôlent les activités et les consultants font le travail.

A l’opposé du despotisme plus ou moins éclairé de certains fonctionnaires, il y a ceux qui acceptent les rapports des consultants sans vraiment les discuter : il faut alors s’efforcer de convaincre les premiers sans les braquer et faire preuve d’une conscience professionnelle à toute épreuve avec les seconds pour, dans l’un comme dans l’autre cas, ne pas laisser faire n’importe quoi, n’importe où, n’importe comment. Le métier de consultant est un curieux et difficile métier où l’on doit souvent, être plus royaliste que le roi !

 

Passons sur les despotes qui le sont d’autant plus qu’ils sont moins sûrs d’eux mêmes ou plus incompétents. Ils exigent des consultants qu’ils modifient leur rapport selon leur propre vision des problèmes à résoudre : en refusant de le faire, on s’en fait naturellement des ennemis mais l’expérience prouve qu’il vaut mieux se débarrasser d’emblée de ce type de client et que cela reste quoi qu’il arrive plus profitable pour le consultant car il reste à la Commission, beaucoup d’autres fonctionnaires fréquentables ! Comme le disait un des anciens « grands patrons » de la coopération, les consultants sont en fait, beaucoup plus permanents et beaucoup mieux immergés dans les pays aidés que les fonctionnaires chargés de ces pays ; ils connaissent souvent mieux les problèmes et la moindre des choses est de les écouter même si on n’en prend pas tout . Il est vrai que ce chef ne considérait pas les consultants comme de la main d’œuvre à surveiller ou des truands potentiels mais comme des partenaires responsables.

 

Les fonctionnaires qui ne discutent même pas les rapports sont une bizarrerie. Ils peuvent être de la catégorie des désabusés et des « bof-à quoi bon » dont la cohorte s’agrandit rapidement en raison du découragement croissant né de la paralysie progressive du système et de l’abandon corrélatif par la Commission, de ses responsabilités stratégiques et opérationnelles. Ce comportement s’est à la longue, assez normalement répandu dans les régions ACP et MEDA qui ont toujours travaillé sous un lourd carcan institutionnel et procédural. En revanche, il s’est agi d’un véritable bouleversement et d’une tragique nouveauté pour ceux des régions Amérique Latine et Asie qui avaient avec leur hiérarchie, une autre façon de s’impliquer dans les problèmes de coopération dans leurs zones d’action.

D’autres fonctionnaires ne lisent pas les rapports ou ne les discutent pas parce qu’ils ne les comprennent pas bien, d’autres encore parce que les rapports en question leur suffisent pour justifier la phase suivante du processus de coopération, qu’ils ont en tête ou qu’ils ont déjà plus ou moins engagée. Le rapport dans ce cas, n’est pour eux qu’une simple étape plus ou moins administrative dans ce processus !

 

Le défaut le plus grave et malheureusement assez répandu, semble être l’ignorance de ce que doit être une évaluation. Les problèmes commencent lorsque le consultant rédige son rapport et que ledit rapport ne va pas exactement dans le sens souhaité : il arrive en effet, que l’on remette en cause des stratégies, des façons de faire ou des actions que le consultant peut juger non-pertinentes, inefficaces voire même dangereuses pour les personnes ou pour les biens. Ces remises en cause perturbent le bel ordonnancement des choses et gênent bien évidemment le fonctionnaire responsable qui devra(it) prendre des mesures correctives mais aussi très souvent, les autorités de l’Etat récipiendaire qui devra(ient) mettre en œuvre ces mesures et pour lesquelles toute remise en cause est aussi une remise en cause de leur budget et d’un certain équilibre d’intérêts nationaux ou locaux difficiles à bien cerner.

Les systèmes de co-direction pratiqués il y a encore quelques années, mettaient très vite en relief les incohérences de l’action par rapport au contexte et aux objectifs et obligeaient les partenaires à se mettre d’accord rapidement, sur les mesures correctives et donc à prendre leurs responsabilités de part et d’autre. Il n’en est plus de même, la rigueur d’évaluation a fait place à plus de souplesse sinon de complaisance et la Commission s’efface de plus en plus devant les gouvernements avec lesquels elle a signé des accords ou des programmes dont la stratégie et les conditions de gestion ne sont pas toujours très bien définies comme on l’a vu plus haut. Ces documents servent néanmoins de référence, sans parler du Règlement lui même, et le consultant se voit reprocher assez facilement de « ne pas rester dans le cadre » .

Ce fameux cadre englobe les aspects de gestion selon le Règlement ainsi que les options stratégiques ou opérationnelles de la coopération avec le pays mais dans l’esprit de beaucoup, il inclut également les (mauvaises) habitudes prises et surtout les poncifs, « demi-vérités » ou simples erreurs devenus intouchables à force d’être répétés dans le microcosme de la coopération locale. Que diable ! quand le cadre est mauvais, il faut le dire mais c’est une critique que l’on accepte difficilement d’un consultant surtout dans les milieux ACP ou MEDA qui, à la différence de la région ALA, n’ont pas connu de période où les consultants étaient de vrais partenaires et qui n’ont pas connu non plus, la gestion par co-direction.

Ainsi en République Dominicaine où le ministre de l’agriculture sans être contredit par le fonctionnaire responsable de la Délégation, jugeait inconvenant et « incroyable » que le consultant évaluateur aie le front de condamner le choix de certains grands travaux qui avaient été décidés au profit de quelques dizaines de familles et veuille ré-orienter le projet vers les quelques milliers de familles qu’on avait négligées jusque là : des intérêts particuliers étaient bien sûr en jeu et le problème a dû être élevé au niveau d’une réunion à Bruxelles où trois chefs d’unité, l’ambassadeur du pays concerné et la Délégation ont fini par adopter les recommandations du consultant.

Au Libéria, au Niger, en Ethiopie ou au Maroc également, des pressions ont été exercées sur le consultant, parfois jusqu’à la menace du « refus » de son rapport avec les conséquences que cela pouvait avoir sur ses honoraires et sur ceux du bureau d’études qui l’employait : pour les fonctionnaires concernés, il était inconcevable que le consultant ne rentre pas dans le moule stratégique ou procédural existant et publie des conclusions ou préconise des solutions radicalement opposées ou même seulement différentes de celles attendues par la Délégation ou les autorités du pays. Au Honduras, un projet avait été gelé à la demande du consultant, jusqu’à ce que l’organisme national receveur accepte d’appliquer les procédures de gestion par co-direction alors en vigueur à la Commission : c’était à prendre ou à laisser pour les gouvernements aidés et le consultant sur ce sujet, avait une relation directe avec Bruxelles mais il est douteux que les Délégations actuelles puissent adopter une attitude aussi tranchée dans les conditions présentes de gestion de l’aide, même si elles en avaient la volonté.

Combien de fois enfin, ai-je dû en tant que chef de mission, rappeler aux responsables des Délégations et aux ministres ou chefs d’administrations des pays aidés, qu’il ne fallait pas inverser les rôles : c’est la Mission d’évaluation qui évalue, ce n’est pas elle qui est évaluée… ni par les Délégations ni par les autorités locales et encore moins par les projets ! Ce rappel devait être fait presque à chaque fois dans les pays ACP ou MEDA dont les pratiques de gestion et la répartition des rôles entre les différents intervenants, restaient assez floues et variables mais parfois aussi dans certains pays ALA où pourtant, la distribution des responsabilités était beaucoup plus claire et rigoureuse, tout du moins jusqu’aux alentours de l’année 2000 lorsque le principe de co-direction a été abandonné.

 

Bref, le consultant sous la pression du système, se transforme progressivement en « notaire » de la Commission : il doit se limiter de plus en plus, à formaliser et enregistrer ce que souhaite le fonctionnaire responsable ou le gouvernement bénéficiaire. Pour preuve encore, cet appel d’offres récent pour l’évaluation d’un projet régional d’appui aux politiques de sécurité alimentaire dans quatre pays d’Amérique Centrale : aucune mission d’évaluation ne peut en moins d’un mois, élaborer de recommandation sérieuse sur les politiques de quatre pays sinon aller dans le sens du vent et au mieux, faire quelques suggestions de détail sur telle ou telle procédure ?! Est-ce vraiment ce que l’on veut ?

Dans les dernières années, presque tous les commentaires de la Commission sur les rapports d’évaluation qui ne restent pas « dans la ligne », mentionnent à un moment ou à un autre, le fait que le Consultant n’a pas tenu compte du cadre stratégique ou de telle ou telle disposition du règlement : si les critiques dudit cadre stratégique ou dudit Règlement reviennent aussi souvent, peut être faudrait-il se poser la question de leur pertinence plutôt que les considérer comme intouchables ? Une évaluation n’est pas faite pour dire ce qui plaît au fonctionnaire, à sa hiérarchie ou au gouvernement récipiendaire, elle est faite pour dire ce qui ne va pas et s’il faut changer le cadre et le sacro-saint Règlement, il faut le dire et le faire ! Bref, il est assez facile aux fonctionnaires qui, pour la plupart, ne souhaitent pas trop de bouleversement dans leur domaine de compétence, de se réfugier derrière le cadre et de demander au consultant de le respecter en modifiant son rapport ou ses propositions. Selon que le consultant accepte ou non de le faire, la vie du fonctionnaire sera plus ou moins facilitée mais les résultats de la coopération seront aussi meilleurs ou moins bons : certains rapports servent donc à justifier la routine et accompagnent le fil de l’eau, d’autres font scandale mais peuvent être à l’origine de quelques changements positifs.

 

Il fut un temps où quelques directeurs et responsables d’unité considéraient les consultants comme des partenaires à part entière et où les relations, au-delà des relations contractuelles, étaient de confiance mutuelle. Il arrivait même au consultant de prendre dans les pays visités, des initiatives qui outrepassaient ses compétences formelles : le consultant naturellement, avisait Bruxelles et lui rendait compte après quoi la régularisation était faite. Cela est arrivé d’assez nombreuses fois en Amérique latine et en Asie, et a permis de réagir aussitôt à des situations de crise qui auraient pu rapidement dégénérer en crise diplomatique et parfois, en questions de vie ou de mort sur certains projets dans des zones particulièrement sensibles. Il n’y avait pas alors de Délégation dans ces pays et Bruxelles était loin alors que le consultant était sur place et était considéré par les autorités locales comme « la voix de la Commission ». Ce ne serait évidemment plus possible aujourd’hui parce que les Délégations se sont répandues sur toute la surface du globe et sont censées prendre en charge ces problèmes d’ordre politique, diplomatique et de sécurité mais aussi parce que le lien de confiance avec le consultant s’est progressivement distendu. Il est maintenant très généralement considéré comme un simple exécutant auquel la confiance doit être mesurée et dont les actions sont très étroitement surveillées au cas où il se tromperait ou pire encore, au cas où il chercherait à tromper la Commission ! C’est assez ridicule car les fonctionnaires des Délégations manquent assez souvent de l’expertise suffisante pour discerner les erreurs stratégiques et opérationnelles des consultants et compensent en accordant une importance disproportionnée au contrôle administratif et comptable qui comme on l’a vu, se noie dans une foule de détails qui l’empêchent de détecter les malversations vraiment importantes !

On voulait ici rendre hommage à ces quelques directeurs et chefs d’unité qui avaient « ouvert » et développé la coopération avec les pays d’Amérique latine et d’Asie dans les années 80 et 90 en sachant prendre les risques que cette nouvelle aventure comportait : ils avaient compris que l’efficacité et la bonne gestion étaient plus une affaire d’hommes dans le cadre d’un partenariat confiant qu’une affaire de contrôle et de réglementation. On ne veut pas désespérer que leur exemple, puisse inspirer leurs successeurs.

 

Toujours est-il que résister, tenir bon y compris envers et contre son « client-payeur », est l’orgueil et la raison d’être du consultant. Quelques-uns en ont le caractère et sont capables de prendre suffisamment de recul pour faire valoir leur point de vue mais beaucoup cèdent sous la pression du client. Le rôle du consultant est en effet, d’éviter au fonctionnaire l’inaction coupable et de l’encourager voire lui donner les arguments pour prendre des décisions courageuses. Le but est de l’aider à atteindre effectivement les objectifs de coopération dont il a la charge plutôt que de se limiter à une gestion administrative paralysante des projets au risque de leur faire perdre toute pertinence. Tous les consultants n’ont pas cette vision de leur métier : comme chez les fonctionnaires, il y a les caractériels, les butés, les désabusés, les paresseux, les lisses, les prétentieux, les incompétents, les maniaques, les obsédés, les paranoïaques, les peureux, …. mais il y a aussi les consultants compétents et sérieux qui cherchent à améliorer les choses dans le cadre qu’ils connaissent et mieux encore, ceux qui cherchent à sortir du cadre pour les changer en profondeur. Ces derniers sont plus rares et comme les fonctionnaires, ils baissent peu à peu les bras et renoncent quand, instruits par l’expérience, ils s’aperçoivent que quoi qu’ils fassent, ils se heurteront à l’aboulie politique et à l’inertie administrative. En effet, la priorité trop souvent donnée par les plus hautes instances de la Commission, à l’application d’un Règlement inadapté et à « l’évitement de vagues » dans les pays aidés, ne facilite pas la tâche des consultants ni celle des fonctionnaires qui ont encore le courage de vouloir donner plus d’importance à l’objectif qu’à la procédure !

 
 

L’excès du bien n’est pas nécessairement une vertu … l’abus du cadre logique

 

Un autre des monuments intellectuels de la Commission, est ce qu’on a appelé la méthode du cadre logique qui est un outil de définition, de suivi et d’évaluation des projets et activités de coopération. Elle a été généralisée au cours des années 90 et a pour but de préciser la cascade des objectifs, des résultats attendus et des moyens à mettre en œuvre pour chaque programme ou projet. On mesure alors la pertinence des objectifs et donc du projet par rapport au contexte politique, économique, social et culturel. Les résultats et donc le projet, seront efficaces s’ils permettent d’atteindre les objectifs. Les moyens seront utilisés de manière « efficiente » s’ils permettent de réaliser les activités prévues au meilleur rapport qualité/coût. Un projet pertinent, efficace et efficient aura donc un impact maximum que l’on mesurera grâce à la définition d’indicateurs de « performance » s’appliquant en cascade aux objectifs, aux résultats et à l’utilisation des moyens pour chaque action menée.

Tout ceci semble parfait, la boucle est bouclée et on devrait dans ces conditions, n’avoir que de bons projets. Hélas, la méthodologie qui a donné lieu à de vraies batailles conceptuelles au sein de la Commission, pèche à la fois par insuffisance, excès et bureaucratisation du procédé. Cette approche en effet, est née de la recherche méthodologique effectuée il y a plusieurs décennies, par quelques grandes sociétés de conseil sous la forme de ce qu’on appelait alors la « direction par objectifs » pour mieux dynamiser et maîtriser la gestion des entreprises. Ce n’est en fait, qu’un outil de cadrage mais lorsque les organismes de coopération internationale s’en sont emparés, ils ont eu tendance avec l’ardeur des néophytes et l’aide de leurs « consultants spécialisés », à en faire une vache sacrée. Ainsi s’est développé dans beaucoup de secteurs de coopération, un dommageable intégrisme du cadre logique auquel sacrifient beaucoup trop de fonctionnaires et de consultants.

 

L’insuffisance de la méthode est qu’elle prétend englober toutes les phases qui déterminent le succès ou l’échec d’un projet ou d’une quelconque activité de coopération ou d’aide. En réalité, elle oublie l’essentiel qui est d’initier et consolider un processus de développement autonome au niveau d’un secteur, d’une communauté, d’une municipalité ou d’une région, voire d’un pays tout entier en y impliquant tous les acteurs intéressés. Le module du cadre logique parle en effet, de viabilité ou de pérennisation des actions menées mais il ne dit pas un mot de l’enclenchement des dynamiques qui permettraient aux acteurs locaux de multiplier les activités et les développer par leurs propres moyens. Or c’est là , le point clé de toute action de développement : il n’est pas efficace en effet, de saupoudrer sur un territoire donné quelques activités productives ou sociales sans effet multiplicateur, il s’agit de faire en sorte que les gens s’organisent pour pouvoir créer, innover et reproduire massivement et sur une longue période, les activités dont ils ont besoin et ceci longtemps après que le projet soit terminé. La vocation d’un projet n’est pas de créer quelques activités, elle est d’enclencher un processus à long terme de développement autonome avec les ressources et les capacités propres des acteurs locaux. L’impact que l’on recherche, n’est pas l’impact direct des quelques activités du projet, en supposant qu’elles soient réussies, il doit englober le produit des activités que les acteurs devenus autonomes grâce à l’impulsion initiale du projet, seront capables de développer sur des dizaines d’années. Bref, sans « autonomisation » des acteurs, la coopération est hors du sujet et cet aspect fondamental est encore complètement ignoré de notre pensée officielle. Certains projets de la Commission, pratiquement réalisés en catimini en Asie et en Amérique latine, ont cependant, démontré la faisabilité du propos et il serait temps là aussi, que la Commission s’y intéresse. Elle n’en prend pas vraiment le chemin avec ses tendances de plus en plus affirmées, à échapper du mieux possible à ses responsabilités de terrain or c’est là que tout se joue, et pourrait encore se jouer avec les gouvernements assistés à condition de changer l’approche actuelle.

 

Au lieu d’adapter l’outil et l’approche, on se dirige au contraire, vers une interprétation de plus en plus rigide et cassante du fameux cadre logique qui tend à cristalliser des situations par nature changeantes et à inscrire dans le marbre, des séquences d’actions qui deviennent rapidement obsolètes. Rappelons que du fait de la fossilisation progressive des circuits et procédures et en vertu du principe d’appropriation par les administrations nationales, les projets et autres actions de coopération ne peuvent effectivement commencer sur le terrain, qu’au bout de deux années de palinodies politico-administratives quand bien même tout le monde serait d’accord dès le départ, sur les objectifs. Les choses ont largement le temps de changer en deux ans et il se trouve souvent que les actions prévues doivent être revues et modifiées.

A la différence de l’approche dramatiquement lourde de la Banque Mondiale, le grand avantage de la procédure de préparation de projet de la Commission était sa souplesse : on se bornait en effet, après une ou deux missions courtes d’identification et préparation de projet, à définir les grandes orientations stratégiques, opérationnelles et budgétaires des projets laissant à l’équipe permanente de (co-)direction du projet, le soin d’effectuer les modifications techniques ou les transferts de lignes budgétaires qui s’avéreraient nécessaires en cours d’exécution. Le principe reste théoriquement toujours le même mais la tendance est maintenant à une définition de plus en plus détaillée et précise de tous les éléments du projet et ceci a-priori : beaucoup de fonctionnaires devenus des intégristes du cadre logique, exigent en effet, que les consultants identificateurs, préparateurs ou exécuteurs de projet, définissent des objectifs premiers puis secondaires puis des sous-objectifs et des sous-sous objectifs et qu’on aille encore plus loin dans la description du détail des résultats et sous-résultats puis des actions et sous-actions. On finit par s’y perdre au point d’en oublier quel était l’objectif central du projet ! Les mêmes intégristes exigent aussi lors des évaluations de projet, que les consultants mesurent exactement les résultats obtenus à chacun de ces sous-sous-niveaux alors qu’ils ont en général, perdu depuis longtemps toute espèce de signification…. L’évaluation qui est censée vérifier la pertinence, l’efficacité et l’impact des projets et éventuellement de les redresser, devient alors un pur exercice théorique de conformité du sous-sous objectif 1.1.1 avec l’ensemble des résultats obtenus sous 2.1.2.1, 2.1.2.2, 2.1.2.3 et peut être aussi le résultat 4.5.1.1 qui s’y rattache indirectement qui eux mêmes, dépendent des activités 1.2.3.4. etc… qui elles mêmes … et ainsi de suite pour chaque sous-sous objectif et chaque sous-sous résultat. On a même vu des cadres logiques qui détaillaient les résultats et les activités au niveau de cinq chiffres ! on attend encore les sous-détails a), b), c) et pourquoi pas les alpha, bêta, gamma de chacun d’eux !

 

On voit bien ici comment l’abus du cadre logique peut tuer toute dynamique dans un projet en le perdant dans une foule de détails d’exécution de moindre importance qui finissent par cacher complètement ses objectifs essentiels aux yeux du personnel d’exécution. Une démarche de type administratif, tendant à cristalliser les détails de l’action dans un cadre qu’il sera difficile de faire évoluer au gré des circonstances, finit par se substituer à la démarche de base de la méthode qui était précisément de mettre clairement en évidence les principaux objectifs, résultats et moyens du projet.

Le cadre logique doit donc être considéré pour ce qu’il doit être, à savoir un outil méthodologique souple permettant de n’oublier aucun des paramètres importants de jugement et de décision . Gardons nous donc de lui donner plus d’importance qu’au projet lui même ou d’en faire une camisole de force qui conduirait inexorablement à diluer l’essence d’un projet au milieu de ses détails d’exécution au risque de se priver de la dynamique créative des responsables et du personnel dont le rôle est précisément d’adapter l’action aux changements du contexte pour atteindre les objectifs…. car cela seul, compte à la fin.