Accompagner les élites… un partenariat qui ne soit plus une comédie, on ne laisse plus faire, on co-opère!

 

Résumé

La coopération n’est pas un droit, elle se mérite, elle est fondée sur la confiance et le respect mutuels … Le partenariat, seule pédagogie possible des élites pour une bonne gestion.

Co-décision dans les choix et co-direction dans l’action, la Commission doit reprendre la part de pouvoir et de responsabilité dont elle s’est défaussée sous de mauvais prétextes…

Mal-gouvernance ou contrôle partenarial ? L’équation est simple : la mal-gouvernance des élites est générale mais on ne peut pas supprimer l’aide aux peuples qui en ont besoin, il faut donc en contrôler sévèrement l’usage. La co-direction partenariale, unique alternative au laisser-faire assistantialiste d’un côté, à la tutelle néo-coloniale de l’autre. La Commission, la Banque Mondiale et les bailleurs doivent changer d’approche devant cette évidence et cesser de rêver à d’éventuels progrès spontanés de la « gouvernance ».

Texte complet


La coopération n’est pas un droit, elle se mérite, elle est fondée sur la confiance et le respect mutuels…

 

Non ! le monde ne nous en veut pas mais il bouge et pour continuer la partie, il faut changer la nature et le style de nos rapports aux autres peuples. Un partenariat ferme et exigeant est naturellement, la seule voie qui vaille. Il permet de créer les dynamiques nécessaires par la synergie des volontés, des efforts et des moyens. Mais prenons garde de ne pas galvauder le mot, en qualifiant de partenariat une simple approche d’assistanat comme cela a été abusivement fait par la Commission et les autres bailleurs dans la plupart des accords de coopération qu’ils ont signé ou mis en oeuvre. Un partenaire n’est pas une marionnette irresponsable, un client intéressé ou un profiteur qui abuse de votre générosité, c’est un homme ou une institution que l’on respecte, qui vous respecte et avec qui les choses sont décidées sur un pied d’égalité et d’un commun accord.

L’assistance est proche de la mendicité ou implique du moins, une demande du plus faible au plus fort, elle devient souvent condescendance voire mépris, elle est souvent honteuse et ne respecte pas toujours l’assisté. Celui-ci, le ressentant au plus profond, perd bientôt toute estime de lui même et n’étant pas mis en situation de surmonter son épreuve, est de fait, poussé à pérenniser sa situation d’assisté. Ce phénomène devient particulièrement pernicieux lorsqu’il s’agit de gouvernements assistés car la pérennisation de l’assistanat est alors qualifiée « d’habileté manœuvrière » au service du pays ou des divers intérêts en jeu et on n’en sort plus.

Le partenariat au contraire, matérialise la volonté de deux hommes, deux entreprises, deux institutions ou deux pays, de travailler ensemble dans un but commun en partageant équitablement les droits et devoirs de sa réalisation et les fruits obtenus. Le partenariat proposé par la Commission présente de plus pour le pays partenaire, l’avantage que cette dernière accepte de partager le travail et les coûts mais qu’elle ne réclame pas de partager les bénéfices, les laissant à la disposition des populations pour lesquelles le partenariat aura été institué. Au lieu de tout faire à la place de l’assisté et de tenir en permanence son parachute, le partenariat met les partenaires locaux en situation de devenir acteurs en partageant équitablement avec eux les responsabilités de conception, de financement, de gestion et de contrôle. Le partenaire apprendra vite à décider et agir de façon autonome et ainsi s’enclenchera un processus de développement pérenne qui permettra de multiplier les actions sans plus d’intervention extérieure. Il faut bien comprendre que la belle idée de « solidarité » était intimement liée à celles d’effort personnel et de responsabilité. Or, on est en train de les tuer par les excès des mécanismes de re-distribution et d’assistance : dans les pays développés, on étouffe ainsi peu à peu les initiatives et dans les pays en développement, on les empêche tout simplement, de naître.

 

A l’autre bout du lien partenarial, il faut évidemment que les élites locales acceptent de jouer le jeu et de prendre leurs responsabilités. Si elles le faisaient spontanément, l’équation du développement serait déjà presque résolue et la coopération perdrait bientôt sa raison d’être. Que faire alors pour que les élites passent du statut de bénéficiaire assisté à celui d’acteur responsable ?

Faut-il attendre qu’elles y parviennent seules ou faut-il les éduquer spécifiquement dans ce sens ? L’une et l’autre de ces propositions semblent irréalistes dans la mesure où les principes de bonne gouvernance leur sont serinés depuis des décennies à l’occasion de toutes les rencontres internationales, de la mise en œuvre de tous les projets et dans toutes les écoles d’administration où elles sont formées. De plus, le processus risque d’être très long ce qui ne répond pas à l’urgence des problèmes de réhabilitation, de reconstruction ou de survie et de développement des peuples et des Etats auxquels la coopération bi-ou multilatérale est confrontée quotidiennement.

Les litanies sur la bonne gouvernance n’y changeront rien. Le poids des habitudes, des coutumes et les besoins ou fantasmes de l’immédiat seront toujours plus forts. En revanche, on peut accompagner les élites dans cette nécessaire mutation intellectuelle et comportementale en la pratiquant sur le terrain, avec elles et avec les populations concernées. Cet accompagnement cependant, ne saurait se satisfaire des habituelles déclarations d’intention ou de l’acceptation de conditions formelles dont on ne vérifie jamais l’accomplissement, il sera l’exacte traduction dans la décision et dans l’action du mot « co-opération » : réflexion commune entre les partenaires, décision commune, partage équitable des tâches et des responsabilités techniques, de financement et de gestion, contrôle commun d’exécution et sanction commune lorsqu’il le faudra, ceci s’appliquant à toutes les étapes du processus de coopération depuis le ciblage stratégique de la coopération jusqu’à l’évaluation finale des projets et activités réalisés.

Mettre en œuvre une telle approche implique de la part des bailleurs, un changement complet de discours et d’attitude vis à vis des autorités des pays aidés. On les considérera désormais comme des partenaires à part entière avec leurs devoirs et responsabilités propres et non comme des « bénéficiaires » en la compétence et l’honnêteté desquels on a si peu confiance qu’on encadre la gestion qui leur est théoriquement déléguée, de règles et de procédures aussi draconiennes qu’inefficaces.

 

La coopération n’est pas un droit ni une obligation de part ni d’autre, elle se mérite et elle n’aura de succès que si les partenariats qui la mettront en oeuvre sont fondés sur la confiance et le respect mutuel des partenaires à tous les niveaux du processus de coopération.

Au premier chef, entre le bailleur et le gouvernement du pays aidé : les accords de coopération et les documents de stratégie et de programmation doivent être le reflet des besoins réels et prioritaires du pays tels que les deux partenaires les auront identifiés conjointement et non un discours politique de circonstance ou un simple menu où l’on peut trouver, à côté d’actions tout à fait justifiables, des projets dont la priorité voire la nature même sont discutables ou qui dérivent tout simplement des fantasmes des gouvernants en place. Et ce n’est pas parce que d’autres bailleurs auraient accepté ces fantaisies que la Commission doit y souscrire. Il lui faut donc s’habituer à « dire non » plus souvent ! Elle n’en sera que plus respectée quand les demandeurs s’apercevront qu’elle n’accepte plus n’importe quoi et qu’elle a une véritable politique de l’aide au développement. Pour illustrer ce propos, un ministre du Nicaragua sandiniste voulait que la Commission finance des « coopératives » en expliquant à la mission d’identification que les sandinistes savaient le faire (« vous n’allez pas nous apprendre, à nous sandinistes, à faire des coopératives ! »); la mission a refusé en expliquant à son tour que sa définition des coopératives n’était pas du tout la même et qu’il ne s’agissait pas de « faire des coopératives » comme on produit des haricots ou des chaussures. Ce refus n’a aucunement handicapé les relations de coopération et il aurait sans doute été préférable d’être aussi sévère sur les choix ultérieurs, par exemple sur l’aide hors de proportion pour ne pas dire hors de propos, accordée au cours de l’année 2000 pour réparer (deux ans après !) les dégâts, faramineusement évalués, du fameux ouragan Mitch de l’année 1998. Avoir le courage de dire non, cadrer les véritables besoins ou priorités et choisir les bonnes stratégies est l’art du décideur compétent !

Pour mieux assurer la pertinence et l’efficacité de notre aide, il ne faut donc pas avoir peur d’exiger la mise en place d’un système de co-décision et de co-direction tant au niveau de la définition des actions à mener que de leur exécution. Cette approche est en réalité plus respectueuse de l’intelligence des gens car elle prend le partenaire au sérieux à l’inverse de la démarche d’assistance qui hypocritement, prétend leur confier la gestion de projets dont on sait d’avance qu’elle sera médiocre voire détestable sans que cela soulève la moindre émotion de nos Directeurs ou Commissaires ni par voie de conséquence, des membres de nos comités de financement ou du Conseil des Ministres. Mais ces derniers se préoccupent-ils vraiment de savoir comment cela se passe ?

 
 

Co-décision dans les choix et co-direction dans l’action… la Commission doit reprendre la part de pouvoir et la part de responsabilité dont elle s’est défaussée

 

La co-direction est la simple traduction en termes d’organisation et de gestion, des principes de co-responsabilité et de co-décision qui caractérisent le partenariat. Partager sur un pied d’égalité, la définition d’objectifs communs et décider ensemble de la meilleure utilisation possible des moyens mis en commun par les partenaires n’a a priori, rien de néo-colonialiste, de moralement condamnable ni de techniquement difficile. L’expérience menée par la Commission en Amérique latine et en Asie dans les années 1985 à 2000 n’a provoqué aucune réaction négative de la part des autorités locales et s’est révélée extrêmement positive si l’on considère le taux d’efficacité et les délais d’exécution des projets. On en veut pour preuve le cas du gouvernement des Philippines qui en réclama lui même l’application au début des années 90 après avoir constaté l’inefficacité d’une gestion des programmes, il est vrai assez complexes, par ses propres administrations… et le plus cocasse était qu’il avait fallu se battre contre certains fonctionnaires de la Commission qui deux ou trois ans auparavant, avaient pris le parti du Ministre dans sa lutte contre le principe de co-direction ! On peut toujours se tromper mais on avait perdu déjà, beaucoup de temps et d’énergie.

En fait, tous les praticiens de terrain et tous les hommes politiques qui ont eu l’occasion de l’expérimenter dans leur pays, reconnaissent qu’un partenariat de décision et de gestion de la coopération est plus efficace et plus juste en attendant que les élites locales soient à même de maîtriser seules les actions de coopération. Chacun reconnaît en effet, que les idiosyncrasies locales ne le permettent pas encore et que les belles idées « d’appropriation » et de « responsabilisation » censées découler de la gestion des projets par les institutions ou gouvernements nationaux, ne sont qu’un voile pudique camouflant en fait, la mauvaise gestion de l’aide d’une part, la carence conceptuelle et le laxisme du bailleur d’autre part. Or il ne faut pas oublier que les déficiences de la planification, les mauvais choix d’investissement ou de stratégies et les simples malversations financières, bref la mauvaise gestion conduisent inexorablement à la mise sous tutelle des pays par le FMI ou les autres clubs et organismes de financement international. Il serait donc préférable de prévenir le mal plutôt que de laisser se dégrader la situation au point d’en arriver à cette humiliation pour le pays aidé et à ce gâchis financier pour les organismes d’aide.

Le plus merveilleux serait bien sûr que, soudainement illuminées, les élites commencent sérieusement à se dire : « assez quémandé, assez d’humiliation, prenons nous en mains, payons nos impôts, organisons nos finances publiques, gérons nos projets au plus juste, privilégions l’intérêt général, n’utilisons plus nos fonctions comme un moyen d’enrichissement personnel, plus de passe-droit ni de clientélisme, respectons la loi et définissons un cadre légal démocratique qui donne sa chance à l’entrepreneur comme au villageois ». Ce jour viendra naturellement mais ce sera un processus très long qu’il faudra encourager et accompagner solidement. L’approche partenariale reste le seul moyen pratique de le concrétiser sur le terrain et de transformer peu à peu, ce discours en réalité.

 

La mise en œuvre effective du processus d’accompagnement partenarial, consiste à généraliser l’approche de co-direction dans tous les projets ou activités quels que soient la forme ou l’instrument de l’aide. Elle permet la sensibilisation effective et rapide des partenaires aux problèmes de rationalisation et d’optimisation de la gestion ainsi qu’à la prise des responsabilités grâce aux échanges quotidiens et permanents entre les deux partenaires co-décideurs. Les avantages de la Co-direction ont été amplement expliqués antérieurement : meilleure qualité de gestion stratégique et opérationnelle et enrichissement mutuel entre les deux co-dirigeants, simplification des procédures de gestion et capacité de décision immédiate sur le terrain, contrôle permanent à la source de l’utilisation des fonds, prévention efficace des tentatives de malversation ou d’utilisation des moyens à d’autres fins que celles des projets, règlement des problèmes de gestion à l’échelon des co-directeurs évitant que lesdits problèmes ne s’élèvent au niveau des Délégations ou de Bruxelles d’un côté, des Ministères ou Présidences de l’autre, dégénérant souvent en susceptibilité diplomatique et perte de face de l’un ou de l’autre partenaire.

Ce sont là des avantages dont l’approche actuelle présente le négatif exact. La gestion des projets est en effet, confiée aux institutions nationales bénéficiaires sous le noble prétexte de leur « appropriation » de l’aide. Or, sachant bien que ceci n’est qu’un « wishful thinking », on a corseté cette gestion, de règles et de procédures si lourdes et si inefficaces que les projets n’avancent plus. En fait, la Délégation se retrouve en position de co-direction sans avoir la connaissance du terrain ni les compétences techniques pour discerner les meilleures options. Comme elle est de plus, pauvre en stratèges et techniciens de bon niveau, débordée par les missions et tâches diverses de représentation ou de « visibilité » et handicapée par des règles et procédures inadaptées, elle a tendance à se concentrer sur ce qu’elle a effectivement les moyens de faire c’est à dire le contrôle administratif et financier dont l’excès mène bientôt à l’étouffement progressif des projets et à l’anéantissement de toute dynamique de coopération. Les délégations n’ayant pas les moyens de procéder à des contrôles d’opportunité ni de qualité, ne peuvent en effet, procéder qu’à un contrôle de forme sur document qui n’empêche nullement les erreurs, malfaçons, coulages et malversations de grande ampleur mais peut paralyser les projets pour des vétilles procédurales sans réel enjeu.

En dehors des arguments sur l’appropriation dont nous avons déjà dit qu’elle était une utopie mais aussi une incitation permanente au laxisme, certains tentent encore de justifier la délégation de gestion aux dirigeants locaux, par le fait que des co-directeurs européens devraient être nommés sur chaque projet et que cela entraînerait un coût. Et alors ? ne serait-il pas préférable de doubler ou tripler ainsi le taux d’efficacité technique et financière des projets en garantissant de la sorte une gestion plus efficace de l’aide ? Et encore s’agit-il d’une estimation très prudente des gains potentiels en se fondant sur les expériences de co-direction menées par la Commission elle même dans les années 80 et 90 par rapport aux résultats concrets obtenus depuis en Amérique latine et en Asie ou dans les zones où la co-direction n’a jamais été mise en œuvre. Quant au coût de ces fameux co-directeurs, il serait bientôt couvert par les dizaines de millions d’euro qu’on éviterait ainsi de dilapider sur les erreurs de stratégie ou de gestion d’une part, sur les malversations et détournements d’autre part, tous éléments non évalués ni a fortiori comptabilisés !

 

Il faut donc ramener la gestion au niveau des projets eux mêmes et donner aux co-directeurs, un européen et un national, le pouvoir et la responsabilité de leur gestion ce qui leur permettra d’échapper aux pesanteurs des règlements actuels dont l’efficacité en matière de contrôle, est illusoire. On pourra ainsi faire du contrôle administratif et financier, un outil de bonne gestion plutôt qu’une obsession paralysante et les équipes des projets pourront concentrer leur énergie sur les objectifs et les résultats plutôt que sur les procédures.

 
 

Mal-gouvernance ou contrôle partenarial ?

 

Le changement viendra-t-il paradoxalement de la Banque Mondiale alors que cette dernière était depuis plusieurs décennies, justement réputée pour son laxisme ou du moins, sa tolérance excessive à l’égard des fantaisies de gestion des autorités nationales récipiendaires? Le coup de tonnerre s’est produit à Singapour lors de la réunion annuelle du FMI et de la Banque Mondiale de Septembre 2006 où l’ancien Président de la banque, Paul Wolfowitz, a déclaré que les objectifs de la Banque étaient « d’envoyer les enfants à l’école, d’aider les mères à gagner leur vie, de créer des emplois pour les gens pauvres, pas de voir nos ressources siphonnées par des personnes corrompues et avides ». Il voulait ainsi confirmer sa politique de suspension des crédits aux pays « mal gouvernés », politique mise en œuvre par les fonctionnaires de la banque depuis son arrivée à la présidence un peu plus d’un an auparavant. Paul Wolfowitz n’est certes pas un modèle en matière de relations Nord-Sud si l’on considère son engagement irresponsable pour la guerre en Irak à l’époque où il officiait auprès du ministre de la défense de George Bush mais on doit avoir l’honnêteté de dire qu’en l’occurrence, il a entièrement raison et que tous les bailleurs en commençant par la Commission, devraient l’imiter. On doit cependant nuancer sa proposition en rappelant qu’aucun des pays en développement ne dispose actuellement d’un « Etat » véritablement fonctionnel et que les élites qui s’y succèdent au pouvoir, sont encore loin d’avoir acquis les réflexes de bonne gouvernance. Ceci explique en grande partie, l’échec des politiques libérales, monétaristes et « export led » que la Banque et le FMI cherchent à leur imposer mais aussi celui des politiques sectorielles et des projets de développement dont l’exécution est trop largement confiée aux seuls gouvernements bénéficiaires. Si l’on appliquait strictement sa politique, il faudrait en effet, « couper les vivres » à l’ensemble du tiers monde.

 

C’est pourquoi la Commission Européenne a aussitôt levé l’étendard de la générosité en lui répondant à Singapour, que la fin était d’aider les populations, que leurs dirigeants soient corrompus ou pas et compétents ou non, puisqu’on ne pouvait rien y faire ! Or sur ce point, la Commission se trompe car il est bien évident qu’il est totalement illusoire de croire qu’on puisse élaborer des politiques adaptées et lancer des projets efficaces si les structures de l’Etat et la qualité des responsables ne le permettent pas. Si on veut effectivement aider les populations comme il se doit, il y faut une façon de faire totalement différente. Là encore, les dirigeants de la Commission et leurs autorités de tutelle se voilent la face, renâclent devant le changement indispensable et s’obstinent dans une dramatique erreur d’approche.

 

L’équation est en effet, la suivante au niveau de la coopération internationale : il n’est pas envisageable d’interrompre l’aide pour cause de mal-gouvernance généralisée ; il n’est pas non plus possible de convertir les élites à la bonne gouvernance dans un délai rapproché ; il faut donc se préparer à les accompagner pendant le temps qu’il faudra par l’instauration d’un partenariat exigeant où « aideur » et « aidé » prendront ensemble les décisions ; et si l’une des parties n’est pas prête à partager le pouvoir ou fait des difficultés dans l’application honnête de la règle du jeu, l’autre suspendra sa participation et le jeu s’arrêtera. La co-direction partenariale est la seule méthode vraiment efficace et politiquement acceptable, hors de laquelle on verserait bientôt dans l’assistantialisme en laissant faire ou dans la tutelle néo-coloniale par excès de contrôle. Bref, on ne peut pas faire du Wolfowitz systématique mais on ne peut pas non plus laisser-faire à la façon de la Commission ! P.Wolfowitz est parti mais son successeur, Robert Zoellick, tout aussi conservateur et libre-échangiste (il était auparavant le négociateur des accords avec l’Amérique latine pour le compte des Etats-Unis), s’entendra très certainement avec les commissaires européens, pour continuer sur la lancée actuelle de leurs institutions respectives mais il est douteux qu’ils prennent les décisions utiles pour mettre la coopération sous contrôle et en augmenter l’efficacité. En effet, à part « l’Afrique pauvre » où il veut « une nouvelle révolution verte ( !!) » et les pays sortant d’un conflit donc à reconstruire, les trois autres thèmes d’action que R. Zoellick a proposés dans son discours du 10 Octobre 2007, sont très nettement orientés vers le secteur productif moderne et l’administration publique dans l’Afrique « plus riche », les pays émergents et le monde arabe en y ajoutant bien entendu, les investissements pour lutter contre le réchauffement climatique. Sauf sur ce dernier point, on ne sort pas du cadre habituel d’assistanat et on continue d’ignorer la masse des populations ainsi que les moyens concrets d’améliorer la « gouvernance » des dirigeants.